L'Athéisme ne conduit pas nécessairement à la corruption des mœurs.
P.BAYLE
Pensées diverses
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Mais l'Homme voit bien, à l'épreuve,
Qu'il n'est rien d'autre qu'un animal.
La Bête et l'Homme ont le même sort
Parce qu'ils ont le même souffle.
Qui sait si le souffle de l'Homme monte vers les hauteurs
Et si celui de la bête descend vers la terre ?
Comme l'un meurt, l'autre meurt aussi.
Tout vient de la poussière et retourne à la poussière,
Et l'Homme n'a nul avantage sur la Bête,
Tout est vanité.
L'ECCLÉSIASTE
Traduction Georges Las Vergnas, la Ruche Ouvrière, 1964.
L'être est, le non être n'est pas.
PARMÉNIDE. VIe siècle avant EC
Ne crois rien parce qu'on t'aura montré le témoignage de quelque
sage ancien. Ne crois rien sur l'autorité des maîtres ou des prêtres.
Mais ce qui s'accordera avec ton expérience et, après une étude
approfondie, satisfera ta raison et tendra vers ton bien et celui
des autres êtres vivants, cela, tu pourras l'accepter comme vrai
et y conformer ta vie.
Attribué
au BOUDDHA - Ve siècle avant E.C.
Nihil ex nihilo (Rien ne vient de rien)
Le principe que nous
poserons pour débuter, c'est que rien n'est jamais créé de rien par
l'effet d'un pouvoir divin. Car si la crainte tient actuellement tous
les mortels asservis, c'est qu'ils voient s'accomplir sur terre et dans
le ciel maint phénomène dont ils ne peuvent aucunement apercevoir la
cause, et qu'ils attribuent à la puissance divine.
Aussi, dès que nous
aurons vu que rien ne peut être créé de rien, nous pourrons ensuite
mieux découvrir l'objet de nos recherches, et voir de quels éléments
chaque chose peut être créée, et comment tout s'accomplit sans
l'intervention des dieux.
LUCRÈCE : de la Nature, Livre I, v.146 s.
Traduction Alfred Ernout, les Belles Lettres, 1947
Sachez donc, mes chers
amis, sachez que ce n'est qu'erreurs, abus, illusions et impostures, de
tout ce qui se débite et de tout ce qui se pratique dans le monde pour
le culte et l'adoration des dieux ; toutes les lois et les
ordonnances qui se publient sous le nom et sous l'autorité de Dieu, ou
des dieux, ne sont véritablement que des inventions humaines, non plus
que tous ces beaux spectacles de fêtes et de sacrifices, ou d'offices
divins, et toutes ces autres superstitieuses pratiques de religion et
de dévotion qui se font en leur honneur.
Curé Jean MESLIER , Mémoire, l'œil Ouvert, 1973.
Sur le portrait qu'on
me fait de l'Être Suprême, sur son penchant à la colère, sur la rigueur
de ses vengeances, sur certaines comparaisons qui nous expriment en
nombres le rapport de ceux qu'il laisse périr à ceux à qui il daigne
tendre la main, l'âme la plus droite serait tentée de souhaiter qu'il
n'existât point. L'on serait assez tranquille en ce monde, si l'on
était bien assuré que l'on n'a rien à craindre dans l'autre : la
pensée qu'il n'y a point de Dieu n'a jamais effrayé personne, mais bien
celle qu'il y en a un, tel que celui qu'on me peint.
Denis DIDEROT , Pensées philosophiques, IX.
On sait le conte d'un
curé et d'une dame galante ; ils avaient ouï dire que la Lune était
habitée, ils le croyaient ; et, le télescope en mains, tous deux
tâchaient d'en reconnaître les habitants. « Si je ne me trompe, dit
d'abord la dame, j'aperçois deux ombres ; elle s'inclinent l'une vers
l'autre ; je n'en doute point, se sont deux amants heureux ». « Eh ! fi
donc Madame, reprend le curé, ces deux ombres que vous voyez sont deux
clochers d'une cathédrale. » Ce conte est notre histoire ; nous
n'apercevons le plus souvent dans les choses que ce que nous désirons y
trouver : sur la terre comme dans la Lune, des passions différentes
nous y feront toujours voir ou des amants ou des clochers. L'illusion
est un effet nécessaire des passions, dont la force se mesure presque
toujours par le degré d'aveuglement où elles nous plongent. C'est ce
qu'avait très bien senti je ne sais quelle femme, qui, surprise par son
amant entre les bras de son rival, osa lui nier le fait dont il était
témoin : « Quoi ! lui dit-il, vous pousser à ce point impudence ? » «
Ah ! perfide, s'écria-t-elle, je le vois, tu ne m'aimes plus ; tu crois
plus ce que tu vois que ce que je te dis. »
Claude-Adrien HELVÉTIUS, De l'esprit, 1758
Rien ne se perd, rien ne se crée.
Antoine LAVOISIER. 1743-1794
Quand un chien ou même
un chat a commis quelque acte pendable, mangé quelque rôt ou fait une
maladresse, on le voit bientôt arriver vers vous en vous faisant mille
prévenances ; j'en étais venu à deviner les peccadilles de mon chien
rien qu'en observant de sa part des démonstrations insolites d'amitié.
L'animal espère donc, à force de bonne grâce, empêcher son maître de
lui en vouloir, compenser la colère que sa conduite coupable doit
éveiller par la bienveillance que lui concilieront ses témoignages de
soumission et d'affection. Cette idée de compensation entrera plus tard
comme élément important dans le culte religieux. Le brigand napolitain
qui porte un cierge à l'autel de la vierge, le seigneur du Moyen Âge
qui après avoir tué son proche parent, fait construire une chapelle en
l'honneur de quelque saint, l'ermite qui se déchire la poitrine de son
silice afin d'éviter les souffrances bien autrement redoutables de
l'enfer, ne font pas autre choses que d'obéir au raisonnement de mon
chien : ils cherchent, comme lui, à se concilier leur juge et, pour
tout dire, à le corrompre ; car la superstition repose en grande partie
sur la croyance à la corruption possible de Dieu...
La foi, disait
parfaitement Héraclite, est une "maladie sacrée", hiera nosos ; pour
nos autres modernes, il n'est plus de maladie sacrée ; il n'en est plus
dont on ne veuille se délivrer et guérir.
Jean-Marie GUYAU, L'irreligion de l'avenir, fin 1886
Il n'y a pas de Dieu – l'enfer est éteint –
Jésus est mort, et vous pouvez vous tenir debout sur vos propres jambes.
Quand l'automne approche, ce n'est pas une consolation
Que l'enfer brûle, prêt pour chacun de nous.
Écoute : nous apportons le message de joie,
À ceux qui doutent et à ceux qui croient.
Bonjour, bonjour, nous vivons la vie ici sur terre.
Pas de Diable, pas de Dieu, pas d'obligations insensées.
Oublie toute parole sur le péché et la honte, venant de lui.
Quand vient le printemps et que tu sens la sève monter,
Sois heureux humain, ici sur terre.
Appel public et chant des Païens norvégiens, début avril 2.000 à Oslo.
Je dois avouer que
j'ai ressenti comme un choc lorsque le revoilement des femmes est
revenu sous mes yeux dans l'une des citadelles de la liberté et de la
culture occidentale, c'est-à-dire en France, à Paris.
Les talibans ne
sont-ils pas, en leur archaïsme même, les enfants inconscients de
l'américanisation du monde ? Oserai-je affirmer que, si nous avions
exercé le droit d'ingérence pour sauver les bouddhas, nous aurions
évité que New York perdît ses deux tours ? Les deux séquences de la
destruction ne constituent-t-elles pas deux temps qui appartiennent
étrangement à un drame unique ? Les images du 11 septembre ne
sont-elles pas le crescendo de celles du 9 mars ? De l'Asie à
l'Amérique, des parois rocheuses de Bamiyan aux bords de l'Hudson, de
hautes formes qui diffusaient l'orgueil de leur érection furent
instantanément pulvérisées en un nuage de poussière. Des
enregistrements vidéo sous forme de clips ont témoigné de l'un et de
l'autre désastre.
N'avez-vous pas senti,
après deux fois deux disparitions, la même sensation de vide qui
s'étend du site anéanti au reste de l'univers ? Comment les hommes
politiques qui gouvernent notre monde n'avaient-ils pas prévu que la
destruction des deux bouddhas à Bamiyan n'était que le prélude où le
signe annonciateur de l'implosion qui fit s'effondrer les deux tours de
Manhattan et écraser avec l'acier et le verre les milliers d'humains
qui y circulaient ? Nos « décideurs » sont exclusivement habités par
une raison technique, qui les empêche de discerner le rapport entre le
symbolique le réel, le lieu où se mesure la part des disparus, qu'ils
soient deux figures millénaires dans la roche ou trois mille de nos
semblables, d'os et de chair périssables.
Abdelwahab MEDDEB, La maladie de l'Islam, 2002
(ISBN : 2-02-078847-0)
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