Contre la barbarie, le soutien à Robert
Redeker doit être sans réserve
Le 20 septembre dernier, le cheikh islamiste Youssef al-Qaradawi
livrait Robert Redeker à la vindicte des fous de dieu.
Désigné comme islamophobe pour s'être demandé,
dans une tribune du Figaro (édition du 19 septembre), ce
que doit faire le monde libre face aux intimidations islamistes,
Robert Redeker est aujourd'hui menacé de mort. Victime
d'une fatwa, il a été forcé, lui et sa famille,
à la clandestinité. Contraint de se mettre sous
la protection de la DST, de quitter sa fonction de professeur
de philosophie, de changer de résidence tous les deux jours,
de faire face aux frais que cette situation peut occasionner,
Robert Redeker a vu son existence basculer, et vit désormais
en homme traqué.
Car telle est bien la sinistre réalité : du jour
au lendemain, un homme se retrouve, de fait, déchu de son
statut de citoyen et livré à l'état de nature.
Voici un homme qui se trouve dans l'impossibilité de jouir
des libertés les plus élémentaires -à
commencer par celle de se déplacer. Voici un homme qui
se trouve dans l'impossibilité de faire valoir ses droits,
car à la barbarie, on ne peut opposer un droit quelconque.
Voici un homme, enfin, qui se trouve rejeté de l'espace
public et assigné à une existence de fantôme.
Il faut, tout de même, se représenter l'effet exorbitant
que produit cette fatwa : c'est toute une existence qui est brisée
et qui bascule, de façon irréversible, dans la terreur.
Etre victime d'une telle fatwa, c'est être un mort en sursis
: cela signifie très exactement que la mort peut surgir
n'importe quand, n'importe où, sous n'importe quel trait.
Cela signifie très exactement que l'autre, celui qu'on
croise dans la rue, celui qui sonne à la porte, celui qui
passe en voiture, est un assassin potentiel. C'est à cette
absolue précarité que se trouvent acculés
Robert Redeker et sa famille. Pourquoi ? Pour avoir usé
d'un droit constitutionnel, d'un droit pour lequel Spinoza, Locke,
Voltaire, et bien d'autres encore, ont combattu, d'un droit que
les révolutionnaires de 1789 ont conquis, d'un droit, enfin,
que l'on croyait définitivement acquis : le droit de manifester
sa pensée et ses opinions.
L'affaire des caricatures de Mahomet, il y a tout juste un an,
avait déjà sonné le tocsin. L'affaire Redeker
nous rappelle aujourd'hui cette triste évidence : rien
n'est jamais acquis. La barbarie n'a pas disparu. Sous la hideuse
figure de l'intégrisme religieux, elle impose désormais,
sur le sol de la République, le régime de la terreur,
et menace la liberté d'expression.
C'est la raison pour laquelle nous tenons à apporter un
soutien inconditionnel à Robert Redeker. Exprimer sur cette
affaire la moindre réserve, c'est déjà faire
une concession à la barbarie. Aussi dénonçons-nous
cette rhétorique insidieuse qui consiste à assortir
la condamnation de la fatwa dont est victime Robert Redeker d'un
même si ou d'un bien que.
Nous dénonçons les propos de G. de Robien, ministre
de l'éducation nationale, qui, au lieu de manifester son
indignation face à la barbarie intégriste, a cru
bon, après avoir mollement exprimé sa solidarité,
de donner à Robert Redeker des leçons de bienséance.
Nous dénonçons le discours quelque peu dévot
de ceux qui soutiennent Robert Redeker du bout des lèvres,
pour la forme, parce qu'il faut bien être démocrates,
pour mieux se livrer ensuite à une analyse indécente
de ses propos. Analyse indécente, en effet : n'est-il pas
pour le moins déplacé de disserter, entre gens de
bonne compagnie, sur l'article de Redeker quand celui-ci est,
de fait, exclu de l'espace du dialogue et réduit au silence
? On ne sait que trop où conduit cette rhétorique
insidieuse quand on la pousse jusqu'au bout de sa logique : on
en arrive à excuser la barbarie ou, tout du moins, à
comprendre l'incompréhensible, à savoir qu'un homme
puisse mériter d'être condamné à mort
pour avoir critiqué une religion.
Nous dénonçons, enfin, cette curieuse conception
de la liberté d'expression qui tend à s'imposer
aujourd'hui et qui devrait faire la joie des intégristes
de tous poils : contrairement à ce que certains sont en
train de faire accroire, la liberté d'expression ne s'arrête
pas là où commence les opinions des autres. Car,
à ce compte, on ne pourrait s'exprimer que sur des sujets
absolument consensuels. La liberté d'expression, dans le
cadre des lois interdisant les propos racistes et négationistes,
ne saurait se réduire au droit de parler tant que l'autre
est d'accord. La liberté d'expression, ne saurait se réduire
au droit de tout dire sauf ce qui est susceptible de heurter l'opinion
de l'autre, ou sa croyance, ou même sa foi, qui, dans le
droit républicain, n'est qu'une des figures possibles de
l'opinion. Face à certains commentaires, particulièrement
nauséabonds, qui ont pu s'exprimer à propos de la
situation de Robert Redeker, il paraît nécessaire
de rappeler que le droit de critiquer une religion, un livre sacré,
ou un prophète fait partie de la liberté d'expression,
au même titre que le droit de critiquer une croyance, un
livre, ou une personne quelconques. Appeler au respect des croyances
de chacun est une façon d'inviter chacun à l'autocensure.
Pire : c'est une façon de donner aux religions un statut
particulier, d'en faire une chose intouchable et sacrée.
C'est une façon de céder sur le principe de laïcité.
En signant cette pétition, nous souhaitons manifester
à Robert Redeker et à sa famille un soutien sans
réserve. Nous entendons aussi faire valoir le droit contre
le fait, la justice contre l'arbitraire, la civilisation contre
la force brutale. Il ne s'agit pas de jouer une civilisation contre
une autre : il s'agit de faire valoir la civilisation - dont aucune
culture en particulier n'a le monopole- c'est-à-dire les
principes de liberté, de droit, et de justice contre la
barbarie.
Premiers signataires:
Michel Onfray, philosophe, Corinne Lepage, présidente
de Cap 21, Alain Finkielkraut, philosophe, Yvette Roudy, ancienne
ministre, Bernard Teper, président de l'Ufal, Pierre-André
Taguieff, philosophe, Michèle Tribalat, démographe,
Alain Calles, ancien président du Mrap, Chahla Chafik,
Sociologue et écrivain, Nicolas Gavrilenko, président
des Amis de Respublica, Michèle Vianes, présidente
de Regards de Femmes, Catherine Kintzler, philosophe, Mohamed
Pascal Hilout, initiateur du nouvel Islam, Nadia Kurys, vice-présidente
du Mrap, Jean-Claude Milner, philosophe et linguiste, Marie Perret,
philosophe, Simon Blumental, président d'Algérie
Ensemble, Anne Zelensky, présidente de la Ligue des Droits
des Femmes, Antoine Peillon, président de France Radicale,
Annie Sugier, présidente de la Ligue Internationale du
Droit des Femmes, Catherine Kriegel, psychanalyste Paris, Alain
Vincenot, écrivain, auteur de La France résistante,
C.E.R.F (Cercle d'etude de reformes feministes), Martine Storti,
Inspectrice générale de l'éducation nationale,
Jean-Claude Santana, président de l'Ufal Rhône-Alpes,
Robert Albarèdes, animateur de laïques en réseau,
Catherine Deudon, photographe, Christian Gaudray, président
de l'Ufal Gironde, Marc Knobel, président de j'Accuse,
Brigitte Bré Bayle, enseignante, Ufal Marseille, Frédéric
Dupin, professeur agrégé de philosophie, Jocelyne
Clarke, enseignante, présidente de l'Ufal Paris, Emmanuel
Itié, syndicaliste CGT, Virginie Hermant, agrégée
de mathématiques, Jocelyn Bézecourt, site atheisme.org,
Jean Loup Bidot, professeur de philosophie, Nancy, Hélène
Lotthé, professeur agrégée ès Lettres,
Thierry Kakouridis, professeur (Marseille), Sylvie Dinse, professeur
de philosophie, Libre Pensée Aveyron, André Perrin,
agrégé de Philosophie, Georges Torres, demandeur
d'emploi, Marseille, Lionel Avon, professeur de mathématiques,
Liliane Chalon, inspectrice de l'éducation nationale dans
le Val de Marne, Lisa Schmitt, féministe, Michel Fichant,
professeur de philosophie à l'Université Paris,
Névine Marchiset, mère de famille, Lucette Guibert,
militante associative, Philippe Raynaud, Professeur à l'Université
de Paris 2, Membre de l'Institut Universitaire de France, Franck
Raynal, ouvrier du web.
Signer
la pétition