Germaine Tillion, grande figure de la Résistance s'est
éteinte samedi 19 avril 2008, à son domicile de Saint-Mandé
(Val-de-Marne), dix jours avant de fêter ses 101 ans. À
cette occasion toute la presse française a publié
sa biographie diffusée par l'Agence France Presse, rappelant
notamment qu'elle était l'une des françaises les
plus décorées et qu'elle partageait avec cinq autres
femmes le privilège d'être grand'Croix de la Légion
d'Honneur, mais c'est tout juste si certains journaux comme le
monde citent le nom du prêtre qui l'a dénoncée
aux allemands. Et pourtant, l'histoire de ce prêtre mérite
aussi d'être rappelée pour ce qu'elle a d'abject.
Robert Alesch
Né à Aspelt au Luxembourg en 1906, a été
un prêtre collaborateur de l'Allemagne nazie pendant la
Seconde Guerre mondiale.
Il est ordonné prêtre en 1933 et s'installe en France
en 1935. Il est nommé vicaire à La Varenne-Saint-Hilaire,
paroisse de Saint-Maur, en Région parisienne.
Au début de l'occupation nazie, il se fait passer, en particulier
dans ses sermons du dimanche, pour un opposant aux Allemands,
professant des idées gaullistes.
Ce prêtre catholique est en réalité un agent
entré volontairement au service de l'Abwehr, service de
renseignements allemand dont la traque des résistants français
est particulièrement efficace. Il réussit à
s'introduire dans les milieux de la Résistance francaise
et gagne la confiance de l'ethnologue Germaine Tillion qui le
met en relation avec Jacques Legrand, chef du Réseau Gloria
SmH (His Majesty Service qui est en liaison avec l'Intelligence
Service britanique) et de son adjointe Gabrielle Picabia.
Salarié des Allemands, se faisant payer pour ses informations,
le "père" Alesch a une double vie. Prêtre
le jour, il habite avec ses deux maîtresses rue Spontini
dans le 16e arrondissement de Paris. Le 13 août
1942, Jacques Legrand, Germaine Tillion puis les principaux cadres
du Réseau sont arrêtés. Près de 80
personnes se trouvent emprisonnées dans le courant du mois
août 1942.
Détenus à la prison de Fresnes et de de la Santé
ils subissent les longs interrogatoires et pour certains les tortures
de la police allemande. Incarcérés ensuite au camp
du Fort de Romainville ils seront pour la plupart déportés
vers les camps de concentration de Buchenwald, Mauthausen et Ravensbruck.
Le chef de Gloria Smh, Jacques Legrand, son adjoint Thomasson,
le professeur Alfred Péron et nombre d'entre eux ne reviendront
pas de déportation.
Robert Alesch poursuivra son activité d'agent double au
service des nazis, encourageant des jeunes à résister
puis les livrant à l'occupant. Rémunéré
avec un fixe mensuel de 12.000 francs (soit le salaire d'un officier
supérieur de l'époque) plus des primes par tête
livrée !
Après la guerre, il se réfugie à Bruxelles.
Livré aux autorités françaises, il est jugé
par la Cour de Justice de la Seine. Les survivants du Réseau,
Germaine Tillion qui évoque la mémoire de sa mère
Émilie Tillion assassinée à Ravensbruck,
Gabrielle Picabia, Pierre Weydert et ses camarades de Gloria Smh
seront également présents pour témoigner
au procès.
L'Abbé Alesch est condamné à mort et fusillé
le 25 janvier 1949 au Fort de Montrouge (Arcueil).