Union des Athées
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  L'Athéisme ne
  conduit pas
  nécessairement à
  la corruption des
  mSurs.

  P.BAYLE
  Pensées diverses

(In)Tolérance religieuse

7 février 2006

Au sujet des caricatures du soi-disant prophète Muhammad - en bref
La presse :
- Le chef de l'Etat "appelle donc chacun au plus grand esprit de responsabilité, de respect et de mesure pour éviter tout ce qui peut blesser les convictions d'autrui".
- Le reste de la classe politique a observé la plus grande prudence, mettant en balance liberté d'expression et souci de ne pas blesser la communauté musulmane.
- En déplacement à Troyes, Dominique de Villepin a appelé à concilier "exigence de liberté" et "exigence de respect" en évitant "bien sûr tout ce qui peut blesser inutilement".

Cet "événement médiatique" mérite quelques réflexions.
Incontestablement, la dérive "tolérance = respect des convictions" a pris le dessus sur le sens fondamental de la notion de "tolérance". Ce rêve improbable de tout croyant a pris une telle ampleur qu'il lui apparaît désormais "normal" de saisir la justice lorsque ses convictions, en général religieuses les plus profondes, sont moquées ou tournées en dérision.
Encore faudrait-il nous définir les limites du "religieux".
On aimerait aussi bien savoir ce que représenterait encore la notion de tolérance si elle consistait à imposer que les idées, les croyances ou les convictions quelles qu'elles soient ne pourraient plus être critiquées ou même moquées.
Faire appel au "respect" en cette matière, et sous peine de poursuites judiciaires - mais sur quelles bases ? - constitue bien un acte intolérant, ce qui est plus grave qu'une parole dérangeante

Accepter de bonne grâce ce qui ne nous choque pas, n'est pas faire preuve de tolérance ; par contre, en appeler à la répression de paroles ou d'expressions qui gênent nos convictions est précisément faire preuve d'intolérance.
Il n'y a pas de critique intolérante, il n'y a que des humains intolérants.

Les événements de ces dernières années nous indiquent une régression évidente, même par rapport aux idées de certains religieux des siècles passés.
Nous dérivons vers un "moyen-âge" encore plus répressif que celui que l'Europe a connu sous la férule catholique romaine.

La tolérance consiste à ne pas nuire physiquement en aucune manière à celui qui émet des idées, ou professe des convictions, contraires aux vôtres, et à laisser libre le débat d'idées.
Il est aussi idiot de punir celui qui raconte des mensonges ou des énormités inconcevables.
La liberté d'expression seule permet également de le contredire ouvertement.
Faire taire le contradicteur par la contrainte n'est qu'une preuve de faiblesse de ses propres convictions, et l'agression physique, de quelque nature qu'elle soit, à l'encontre de celui qui énonce des choses qui vous sont désagréables n'est qu'une preuve de barbarie égocentrique et intolérante.

Une hypothèse, une idée, ou n'importe quelle assertion rationnelle peut être critiquée rationnellement, au moyen d'arguments rationnels.
Ce qui se fonde sur une argumentation peut être discuté et critiqué par d'autres arguments.
Par contre, une conviction intime ou une croyance qui ne se fondent que sur un sentiment personnel ou sur des assertions invérifiables ne peuvent évidemment pas être contre-argumentées.
Aucune discussion sérieuse n'est possible dans ce domaine.

Une croyance religieuse, comme n'importe quelle autre croyance, n'est fondée sur aucun argument discutable.
Il ne reste donc que la dérision ou la moquerie, et c'est précisément, au nom d'une notion dégénérée de la tolérance, ce que l'on veut empêcher, voire interdire.
Et l'interdiction montre bien les craintes que l'on peut avoir de la puissance de la dérision, toujours considérée en paroles comme argument mineur et vulgaire, mais toujours punie férocement, depuis des siècles, précisément en raison de sa force percutante même.
En d'autres termes, "on" aimerait que les lois de nos pays démocratiques interdisent toute dérision, seule critique possible à l'encontre des religions et de toute autre croyance.
Mais comment faire autrement, vis-à-vis d'une "conviction" invérifiable et non "argumentable" que de s'en moquer ? La " respecter " systématiquement, quelle qu'elle soit ?

Il est évidemment inévitable que si l'on moque les croyances ou les convictions d'un individu, on le "blesse" virtuellement dans sa psychologie profondément puérile.
Mais ces "blessures" imaginaires de théâtre n'ont pas la même intensité que des condamnations pénales bien réelles pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement, l'exclusion sociale ou la mort.
Que l'on cesse de se moquer du monde, et de nous faire croire que se moquer de croyances sans fondement a le même effet que de pourrir en prison, de se faire brûler vif ou de se faire couper la tête par exemple, ce qui est la sentence prévue contre les athées, les blasphémateurs ou les apostats encore aujourd'hui en pays islamique (et tout le monde s'en fout), comme la crémation était la coutume en pays chrétien il n'y a guère.

Il n'y a cependant aucun doute, il y a eu provocation (ou manipulation) délibérée, c'est certain.
C'était inévitable, toute intransigeance démesurée provoque la provocation, et les libelles anticléricaux d'il y a quelques siècles n'avaient pas d'autre origine : ils étaient d'ailleurs écrits par des chrétiens (il n'y avait personne d'autre...)

Mais le problème est évidemment plus complexe.

Il est indéniable que les musulmans européens, mis à part quelques illuminés convertis, sont des immigrés ou d'origine immigrée, et l'on sait le sort que nos sociétés actuelles réservent aux "immigrés" de fraîche date : un "bon" immigré est un immigré qui a des sous, ou bien qui "s'intègre", c'est-à-dire qui s'adapte à toutes les coutumes, même bizarres, et aux croyances, aussi absurdes soient-elles, de son pays d'adoption.
Par un amalgame politique inévitable, il est donc politiquement "incorrect" de se moquer des croyances des immigrés. Déjà cibles privilégiées de la droite et de l'extrême droite la plus stupide, se moquer de leurs croyances - comme de celles des "autochtones" - vous assimile dans la foulée à un raciste xénophobe du plus bas étage.

Le piège est donc inévitable. Cela aussi longtemps que les pouvoirs politiques - qui n'ont de "pouvoir" que s'ils se font réélire - continueront à amalgamer l'individu au groupe duquel il est issu.
Et cela de part et d'autre d'ailleurs, les musulmans d'Europe se trouvent aussi bien piégés par ce système manichéen que les mécréants européens.
Un groupe humain est formé d'individus différents, et l'individu ne peut représenter - ni endosser - la "politique" du groupe - souvent artificiel - auquel il est censé appartenir.

Mais sur ce point je resterai inflexible : faire "respecter", par la force de la loi, des croyances sous prétexte que ce sont celles "d'immigrés", nous forcera à respecter, au sens fort du terme, toutes les croyances que nous avons eu tant de mal à faire descendre de leur piédestal intouchable, ce à quoi je me refuse catégoriquement.
Aucune croyance n'est "respectable" par elle-même.
Toute croyance est intolérante par définition, puisqu'indiscutable.
Il m'est impossible de respecter l'intolérance.

Et il ne sera pas difficile de montrer que l'accusation de "raciste" ou de "xénophobe" adressée à ceux qui critiquent les croyances ou les politiques de pays croyants sera passible de poursuites judiciaires.
Il est en effet aussi parfaitement injustifié de traiter d'antisémites ceux qui critiquent la politique de l'état d'Israël que de traiter de racistes et de xénophobes ceux qui critiquent et se moquent de l'islam.
Le racisme est un délit, et accuser quelqu'un faussement de ce délit en est un autre, plus grave encore.
Et pour autant que j'en sache, il n'y a pas une "race" de musulmans.
Les armes que manipulent nos politiciens et les associations soi-disant pour le rapprochement des peuples sont à double tranchant ; il n'y a qu'à s'en servir.

En théorie donc, et pour résumer, il est parfaitement injuste, inique, contraire à nos lois les plus élémentaires, aux soi-disant bonnes intentions de non-discrimination prônées par des projets illusoires de constitution, de "respect des droits de l'Homme" et autres fariboles, de punir l'incroyant qui se moque des religions. Leurs livres fondamentaux les plus sacrés et les plus "respectés" traitent l'incroyant d'insensé ou le vouent aux supplices éternels, dans ce monde et dans l'autre auquel ils font croire, où il est considéré comme le mal absolu et où il est clairement établi qu'il est la lie de l'humanité et n'a même pas le droit de vivre ou encore, selon des paroles très chrétiennes, qu'il est un " homme incomplet ", voire même plus digne du nom d'homme, ou plus simplement encore, n'est pas un homme.
Pour ces religions, reconnues et respectées, l'incroyance - et surtout son expression - est un délit et mérite la mort. En Europe, nous avons conquis le droit de ne plus mourir pour nos croyances, ou nos manques de croyances. Il n'est pas question de revenir en arrière.

Mais l'intolérance des livres sacrés ne gêne aucun de nos chatouilleux juristes, semble-t-il.
Si j'étais intolérant, je réclamerais l'interdiction de la publication et de la vente de ces livres, au nom des droits les plus élémentaires du respect des convictions de chacun (et de ceux qui n'en ont aucune, comme moi) et des lois d'incitation à la haine religieuse, par exemple, chaque religion incitant à la haine d'une autre, qu'elle le veuille ou non, et à la haine de l'incroyant.
Y compris leur déclamation publique (dans les mosquées, les églises et les temples) ainsi que leur enseignement aux enfants - ce qui est le crime le plus grave -, que cet enseignement soit privé ou public.
Que l'on nous explique les motifs pour lesquels cela est permis.

Mais avant d'en arriver là, il est nécessaire de balayer devant notre propre porte, et ça, c'est plus difficile.
Tous les pays européens, à l'exception de la Belgique et de la France (et encore, il y a les lois allemandes en Alsace-Moselle) ont, inscrites dans leur code pénal, des lois réprimant le blasphème. L'Espagne et l'Angleterre récemment viennent d'ailleurs de les renforcer encore par des lois au civil, sous prétexte d'incitation à la " haine religieuse ".
Mais chaque texte fondateur et sacré de nos beaux et grands monothéismes reconnus sinon par des lois du moins dans les faits est par définition une incitation à la haine religieuse ! Toute autre croyance est au moins considérée comme ridicule, antagoniste, ennemie, ou même comme criminelle.
L'incroyance étant le pire des péchés.

Personne ne s'est jamais sérieusement opposé à cet état de choses.
Nous acceptons, sans rire, que des magistrats se complaisent à poursuivre des individus, des intellectuels ou des artistes ou encore de simples sociétés publicitaires qui égratigneraient, selon certains croisés modernes, les symboles du christianisme.
Toute représentation peu orthodoxe de la "vierge Marie" ou de Jésus est passible de poursuites judiciaires, tout questionnement concernant l'holocauste des juifs est interdit par la loi.
Les critiques de la politique israélienne sont considérées comme antisémites - ce qui est un délit de racisme - et les études historiques qui remettrent en question notre si belle civilisation chrétienne risquent également de faire l'objet d'attaques juridiques.
Et maintenant, il serait interdit de " blesser " les susceptibilités des musulmans, dont les écrits sacrés sont moins que tendres envers les incroyants ?
Sous quel prétexte ? Et pourquoi faudrait-il respecter les croyances des martyrs officiels ?
En quoi être des victimes rendrait respectables leurs croyances ?

Deux poids deux mesures ? Non, jamais.
Nous avons tressé nous-mêmes les cordes pour nous pendre, avec notre fameux "respect" imposé des croyances (lesquelles ? Les "nôtres" ?)
Acceptez alors aussi que les musulmans se fâchent tout rouge lorsqu'on se moque de leur prophète adoré, ou alors il serait temps de sortir vos têtes du trou où votre éducation vous les a enfoncées depuis votre enfance.
Défendre la liberté d'expression dans des pays (les nôtres) où elle est interdite est depuis des années, et où on renforce encore aujourd'hui sa répression tient du plus haut ridicule. On rêve, là ?

Mais hélas une leçon bien plus dangereuse se dégage des événements de ces dernières années : on n'accorde de l'attention qu'à ceux qui incendient, assassinent et jettent des bombes.
Nous continuons à creuser nos propres tombes : si l'avenir sera religieux, ne nous étonnons pas qu'il sera également violent, il n'y a aujourd'hui de manière évidente que la violence qui devient (ou rend ?) respectable.

Johannès Robyn
Président de l'Union des Athées

PS : (08/02/2006)

La Ligue islamique mondiale envisage de porter plainte en France à la suite de la publication dans plusieurs journaux de caricatures du prophète Mahomet, a indiqué à l'AFP Me Med Salah Djemaï, un avocat parisien se disant représentant de l'organisation.

Dans un communiqué adressé à l'AFP, l'avocat précise qu'il va porter plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction de Paris pour "injures raciales et provocation à la haine raciale". La plainte sera déposée d'ici quelques jours, a assuré l'avocat.

Il faudrait poursuivre cette ligue pour diffamation et accusations mensongères : en quoi une caricature d'un prophète d'une religion peut-elle être une injure raciale ou une provocation à la haine raciale ?
Depuis quand peut-on assimiler " race " et " croyances ".
Est-ce être d'une certaine " race " que d'être musulman ?


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